Quelle éthique pour le crowdsourcing ?

Début septembre, j’ai été amené à donner une conférence invitée dans le cadre de l’action COST enetCollect, à Bolzano. Cette action se focalise sur l’appel au crowdsourcing (ou myriadisation) pour constituer des ressources linguistiques utiles au développement de solutions d’apprentissage des langues. Solutions qui seront également développées dans le cadre du projet. Un des working group, piloté par Karën Fort (U. Paris 4) et Katerina Zdravkova (Ss. Cyril & Methodius U. , Skopje), concerne la définition de spécifications éthiques et légales pour la conduite du processus de crowdsourcing.

C’est dans ce cadre que j’ai été invité à présenter les approches éthiques qui pourraient s’appliquer au crowdsourcing. J’ai choisi de mettre en avant les travaux de la littérature relevant d’une éthique :

(1) déontologique pour l’analyse du processus de crowdsourcing par lui-même,

(2) conséquentialiste pour l’analyse de l’impact des solutions d’apprentissage qui seront développées au cours de l’action.

Cette présentation relevant pour la partie déontologique d’une nouvelle réflexion de ma part, elle ne s’appuyait sur aucune publication personnelle. Dès lors, pourquoi ne pas la partager avec les lecteurs de ce blog ? Je ne sais si mes slides seront compréhensibles sans explications, mais je crois que la bibliographie que j’ai étudiée peut vous intéresser…

Présentation BOLZANO

 

Avis du comité d’éthique du CNRS (COMETS) sur les sciences participatives

Jean-Gabriel Ganascia, membre du Comité d’éthique du CNRS (COMETS), nous a envoyé l’avis que vient d’émettre cette instance concernant les sciences participatives (ou citoyennes). Nous en reproduisons ici le résumé, l’avis complet étant disponible sur le site du COMETS.

Nous reviendrons sur cet avis un peu plus tard pour en fournir un éclairage, en attendant, voici de quoi alimenter la réflexion :

Résumé : Les relations de la science avec la société se sont profondément modifiées au cours de l’histoire. A partir des années 70, la notion de progrès est réinterrogée face aux nouveaux défis environnementaux et sanitaires. Ceci met aujourd’hui au premier plan les questions posées par les citoyens aux chercheurs et aux institutions de recherche, ainsi que le besoin des chercheurs de faire comprendre la nature et l’importance de leur démarche à l’ensemble de la société. Le COMETS affirme ici qu’il y a urgence à construire une relation de confiance entre les citoyens et les scientifiques. Deux voies sont abordées : celle des sciences participatives et celle d’un dialogue science-citoyens renouvelé.

La voie des sciences participatives, en grand développement aujourd’hui grâce à internet, associe les citoyens amateurs aux activités scientifiques pour la collecte des données et parfois la co-création ou l’interprétation des résultats. Il en résulte un apport mutuel considérable, d’une part pour l’enrichissement de la production des connaissances, d’autre part pour la formation des citoyens aux méthodes et à l’esprit scientifique. Cette voie encourage les vocations pour les sciences chez les jeunes. Le COMETS formule des recommandations portant sur l’encadrement des pratiques des réseaux amateurs, sur l’importance de la validation des résultats, sur le respect de l’anonymat lorsqu’il s’agit de données privées, enfin sur le statut et la reconnaissance dus aux contributeurs.

Dans un monde secoué de crises successives et traversé par des controverses sur des sujets sensibles, le COMETS est d’avis que les chercheurs et leurs institutions doivent être à l’écoute des questionnements du public sur l’impact de leurs choix. Tout en réaffirmant l’autonomie du champ scientifique, il estime nécessaire d’engager une réflexion sur les formes à donner au débat public autour des questions de recherche. Il souligne fortement l’importance de la diffusion de la culture scientifique et de sa promotion active à tous les niveaux de la société. Il recommande que les expertises exercées par les scientifiques sur des questions ayant un impact sociétal soient menées à l’abri des conflits d’intérêt, dans un cadre interdisciplinaire et si possible international. Il préconise que le CNRS soutienne l’implication d’équipes de recherche dans l’analyse des perceptions des sciences et encourage les initiatives abordant des thèmes sensibles. Il suggère enfin que le CNRS développe une expertise collective mobilisable pour répondre aux sollicitations des décideurs publics et des instances démocratiques.